au fil des siècles et des continents

Expression artistique ancienne, le tatouage est devenu tour à tour une identification religieuse, puis sociale et enfin le symbole de l’individualisme de notre temps, re­traçons son histoire afin de comprendre l’engouement autour de cet acte qui tend à se banaliser.

PÉRIODE PRÉHISTORIQUE
En 1991 dans les Alpes italiennes, des archéologues ont découvert un corps d’environ 5 000 ans em­prisonné dans la glace. Ils sont parvenus à distinguer dans le dos et aux genoux des lignes dessi­nées sur la peau. À ce jour ils ne sont pas sûrs que cela soit le pre­mier tatouage préhistorique. Ils ne savent pas quelle technique a été utilisée, ni à quand remonte cette pratique. Ils supposent que les premiers hommes ont expérimenté le frottement du char­bon sur des plaies, ce qui laisse des traces.

PÉRIODE DE L’ANTIQUITÉ
Chez les égyptiens, on peut dire que le tatouage était réservé aux femmes, car on le retrouve surtout sur des figurines fémi­nines et des momies de prêtresses, de danseuses. Le tatouage revêtait alors un caractère tout aussi religieux qu’érotique. Chez les romains, le profond respect du corps faisait du ta­touage une marque d’infamie réservée aux criminels. Dans les premiers jours du christianisme, le tatouage était interdit par la Bible, mais beaucoup des premiers chrétiens étaient tatoués parce qu’ils pensaient que Saint Paul portait sur son corps les marques des souffrances de Jésus. Les premiers chrétiens por­taient de petites croix sous forme de tatouage à l’intérieur des poignets afin de le dissimuler aux regards des romains. Le ta­touage fut banni des sociétés européennes au 4ème siècle.

ASIE
L’origine du tatouage japonais est lointaine ; environ -5 000. En raison de lois très restrictives datant du milieu du 18ème siècle qui réservaient aux seuls plus riches le droit de porter des ki­monos ornés de broderies très élaborées, l’art du tatouage s’est développé dans les autres classes sociales. C’étaient des tatouages très élaborés qui démarraient du cou pour finirent aux épaules, qui pouvaient couvrir le dos et aller jusqu’aux genoux. En 1870, avec les échanges internationaux, le gouver­nement, bannit le tatouage, craignant de paraître barbare aux yeux des européens. Cette interdiction rendit le tatouage ­plus attractif ; en particulier chez les Yakuzas, où il devient le signe d’un véritable engagement criminel. Plus le tatouage devient populaire plus on voit se développer de nouveaux mo­tifs, souvent empruntés à la flore et à la faune mais aussi à la culture japonaise (objets sacrés, héros, démons…).

DANS LE PACIFIQUE AU 18ÈME SIÈCLE
Au début du 18ème siècle les colons euro­péens découvrent l’art du tatouage en même temps que les îles du Pacifique. D’une île à l’autre, les motifs de tatouages reflétaient la culture locale ; certains purement déco­ratifs, d’autres symboliques de rites initia­tiques, de célébrations, etc. En 1769, quand l’explorateur James Cook débarqua à Tahi­ti, le mot tatouage entra dans la langue an­glaise ; issu du mot tahitien et samoa « tata » ou « tatau » lié au geste de l’incrustation de marques répétées sur le corps. Lorsque Cook revint en Europe, il amena avec lui un polynésien du nom de Omai dont le corps était couvert de tatouages. À cette époque, les européens considéraient les personnes tatouées comme des sauvages. Cependant cette pratique devint recherchée et revêtit une nouvelle forme.

Des dérapages eurent lieu dans les années 1820, et un marché commença à se développer en Europe autour des têtes ta­touées des Maoris. En 1831, le gouvernement britannique pro­mulgua une loi interdisant l’importation des têtes humaines et la capture des esclaves pour la revente de leur tête tatouée prit lentement fin.

ÉTATS-UNIS À LA FIN DU 19ÈME SIÈCLE
En 1891 à New-York, Samuel O’Orelly parvint à créer la ma­chine à tatouer. Ce qui pouvait durer auparavant des semaines pouvait se faire dorénavant avec précision et avec une douleur bien moindre. On vit fleurir dans la majorité des grandes villes américaines des ateliers de tatouages. La fascination pour les tatouages était très présente dans le monde de la fête et de son business, et parmi les gens du voyage et du cirque. À la fin des an­nées 1920, plus de 300 personnes dont le corps était entièrement tatoué étaient employées dans des cirques américains. Dans les années 1950, aux États-Unis, le tatouage était le signe d’une mar­ginalité, les marins et les soldats avaient les leurs. Les hippies dans les années 1960 participèrent du même mouvement et la quête d’individualisme se transforma en protestation sociale.

AUJOURD’HUI
L’enthousiasme lié au tatouage à travers le monde se poursuit au travers de festivals comme celui de Philadelphie consacré à la célébration de cet art. On ne parle plus ici d’exhibi­tion de phénomène, car les non conformistes peuvent dépasser les limites de leur art sans en subir la moindre répercutions. La longévité est l’héritage du tatouage cependant la signification culturelle qui y est attachée est tout aussi diverse que les motifs qui nous sont proposés.


By Joëlle POLYDOR